Arrêt du tabac :
pour un accompagnement efficace
PUBLIÉ LE 13/11/2023
Les fumeurs de tabac sont toujours aussi nombreux en France, et de nouveaux modes de consommation ont fait leur apparition. Pour autant, les pouvoirs publics ont fixé comme objectif une première génération sans tabac d’ici 2032.

Prévalence : le nombre de fumeurs de tabac ne baisse plus
Après une « baisse historique » de la prévalence avec près de 2 millions de fumeurs en moins entre 2016 et 2019, le nombre de fumeurs stagne en France depuis 2020 (1).
Prévalence du tabagisme quotidien selon le sexe chez les 18-75 ans en France métropolitaine entre 2000 et 2022 (1)

En 2022, la prévalence du tabagisme quotidien chez les adultes de 18 à 75 ans s’élevait à 24,5 %, (27,4 % chez les hommes et 21,7 % parmi les femmes).
La prévalence du tabagisme occasionnel était de 7,4 %, sans différence significative entre les hommes et les femmes (1).
Au total, le nombre de fumeurs en France est estimé à 15 millions parmi les 11 à 75 ans, dont 12 millions de fumeurs quotidiens (2).

Les tentatives d’arrêt de tabac sont en baisse : en 2022, 24,7 % des fumeurs quotidiens avaient fait une tentative d’arrêt d’au moins une semaine au cours des 12 derniers mois, versus 30,3 % en 2021 (1).
Mise en place et accompagnement au sevrage tabagique : les bons mots au bon moment
Des éléments pour repérer les candidats à l’arrêt du tabac, enclencher leur démarche et maintenir leur motivation tout au long du parcours.
Interview du Dr Marion Adler, médecin tabacologue à l’hôpital Antoine-Béclère, AP-HP (Paris)
Adolescents : moins de tabac… mais plus de e-cigarettes
L’usage du tabac (cigarette manufacturée ou à rouler) chez les adolescents est en forte baisse depuis 2017 : en 2022, moins d’un jeune de 17 ans sur deux (46,5 %) a déjà expérimenté le tabac (-12,5 points par rapport à 2017) et 15,6 % déclarent fumer quotidiennement (contre 25,1 % en 2017). C’est la première fois depuis 2000 et la mise en place de l’enquête ESCAPAD que les adolescents n’ayant jamais fumé de tabac sont majoritaires. En parallèle, les adolescents fument de plus en plus tard : les âges moyens d’expérimentation et de passage à l’usage quotidien sont passés, respectivement, de 14,4 ans à 14,5 ans, et de 15,1 ans à 15,3 ans entre 2017 et 2022 (3, 4).
Dans ce contexte, la nette progression de l’usage de la cigarette électronique entre 2017 et 2022 est remarquable. L’expérimentation est ainsi passée de 52,4 % à 56,9 % et l’usage quotidien à 17 ans a triplé, passant de 1,9 % à 6,2 % (4) ; à titre comparatif l’usage quotidien de e-cigarette est de 5,5 % chez les 18-75 ans (1). Pour la première fois, les niveaux d’expérimentation, d’usage au cours du mois et d’usage quotidien de la e-cigarette dépassent ceux des cigarettes de tabac. La progression est particulièrement importante chez les filles : +19 % pour l’usage récent et un niveau d’usage quotidien multiplié par six entre 2017 et 2022 (6,3 % contre 0,9 %). Enfin, l’âge moyen de la première utilisation de la e-cigarette est plus tardif que pour le tabac : à 15,0 ans en 2022 (contre 15,4 ans en 2017) (4).
Un effet Covid-19 ?
La crise sanitaire est liée à une dégradation de la santé mentale (anxiété, état dépressif) associée à une augmentation des comportements addictifs et du tabagisme.
Constat (5) :
- plus de la moitié des fumeurs n’ont pas modifié leurs habitudes de consommation de tabac pendant la crise, plus d’un quart ont augmenté leurs consommations ;
- augmentation de la prévalence du tabagisme quotidien de deux points chez les femmes de 2019 à 2021 ;
- les actions de politique de santé publique ont été moins nombreuses en 2020.
Des nouvelles tendances de consommation
La e-cigarette ne séduit pas que les jeunes
L’utilisation de la e-cigarette, apparue dans les années 2010, est en hausse significative depuis 2016 chez les 18-75 ans. En 2022, 7,3 % des adultes de cette tranche d’âge déclarent utiliser actuellement une e-cigarette, et la prévalence du vapotage quotidien s’élève à 5,5 % (1).
De quoi lui donner une image particulière. Si la plupart des experts s’accordent pour affirmer que les émissions produites par les cigarettes électroniques sont moins nocives que la fumée du tabac (6), la Haute Autorité de santé (HAS) remarque que le vapotage est considéré comme peu grave, alors qu’il n’existe pas d’étude sur l’absence de dangerosité du vapotage (7).
Tabac chauffé ou « alternatives à la combustion » : des incertitudes
Les produits de tabac chauffé (et non brûlé comme dans les cigarettes classiques) sont des produits générant des aérosols contenant de la nicotine et d’autres produits chimiques que le consommateur inhale par la bouche. Ils simulent ainsi le comportement du fumeur de cigarettes classiques (8). En 2022, l’usage reste marginal : 2,6 % des 18-75 ans déclaraient avoir expérimenté le tabac chauffé et 0,1 % déclarait un usage actuel (1). Il n’existe actuellement pas suffisamment de preuves pour conclure que les produits du tabac chauffé sont moins nocifs que les cigarettes conventionnelles. Ils pourraient exposer les utilisateurs à des niveaux plus élevés d’autres substances toxiques et leur profil toxicologique à court et à long terme n’est pas défini (8, 9, 10).
Par ailleurs, le tabac chauffé serait considérablement plus nocif que la cigarette électronique (11, 12).
La chicha : une fausse image de sécurité
En 2018, 3 % des 18-75 ans déclaraient fumer la chicha, ne serait-ce qu’occasionnellement. Leur profil : hommes (63 %), jeune âge (58 % avaient moins de 25 ans), étudiants (26 %) ou chômeurs (19 %). Le chiffre grimpe à 9,4 % chez les fumeurs occasionnels ou quotidiens (13).
La chicha plus saine que la cigarette ? Non. Si les fumées de la chicha libèrent, comme la cigarette, des substances chimiques toxiques, irritantes et/ou cancérogènes qui proviennent du tabac, elles libèrent aussi des substances qui proviennent du charbon, du revêtement du fourneau et de la colonne, du tuyau ou encore de la feuille d’aluminium (14). De plus, l’utilisation de la chicha expose les fumeurs à des quantités de fumée beaucoup plus importantes que celles de la cigarette. L’OMS a en effet estimé qu’une cigarette est fumée en 8 à 12 bouffées sur une durée de 5 à 7 minutes, tandis que la chicha est fumée en 50 à 200 bouffées sur une durée de 40 à 60 minutes. La fumée d’une chicha délivre autant de monoxyde de carbone que 15 à 52 cigarettes et autant de goudron que 27 à 102 cigarettes (14).
Le snus : risque d’addiction majoré
Le snus se présente comme une poudre de tabac à sucer, conditionnée en sachet, qui se place entre la lèvre supérieure et la gencive (à sucer ou à chiquer) (15). Il est interdit dans l’Union européenne hormis en Suède (16).
Or le snus est plus agressif que la cigarette : la nicotine est directement en contact avec les muqueuses buccales et agit rapidement sur le cerveau en activant le système de récompense. De plus, il contient un certain nombre de substances toxiques et carcinogènes (15). Selon le Centre international de recherche sur le cancer, les formes orales du tabac seraient notamment associées à des problèmes bucco-dentaires et des cancers de la bouche, de l’œsophage, du pancréas – mais pas du poumon – et seraient susceptibles d’accroître le risque d’accident vasculaire (6).
Les bénéfices de l’arrêt du tabac (18)

Actions de lutte et perspectives
Les autorités de santé ont multiplié, ces dernières années, les actions de lutte contre le tabac : prescription des traitements nicotiniques de substitution (TNS) par les médecins (y compris les médecins du travail), les sages-femmes, les infirmiers, les chirurgiens-dentistes, les masseurs-kinésithérapeutes ; fin du forfait annuel de 150 € sur les TNS pour une prise en charge à 65 % sur prescription ; mise en place du paquet neutre ; hausse du prix du paquet de cigarettes…
Aujourd’hui, la Haute Autorité de santé (HAS) s’apprête à revoir ses recommandations de bonnes pratiques de 2014 sur l’arrêt de la consommation du tabac avec une actualisation attendue pour 2024 (7). Dans le même temps le plan tabac 2023-2027 est en préparation au ministère de la Santé et de la Prévention. Celui-ci devrait autoriser les pharmaciens à prescrire les substituts nicotiniques.
La fin de l’année, le moment de (re)-motiver
Organiser et préparer l’arrêt du tabac renforce la motivation et aide à réduire les envies. Programmer à l’avance la date de l’arrêt est à conseiller. Le consommateur peut aussi profiter d’un changement d’habitudes, plus facile pour arrêter de fumer – pendant les vacances ou à l’occasion d’un évènement important (17) :
- Les fêtes de fin d’année et les bonnes résolutions associées permettent de marquer le coup et relancer la motivation.
- Challenge collectif et campagne d’accompagnement d’aide à l’arrêt du tabac. Le mois de novembre avec le #MoisSansTabac est une bonne occasion pour renforcer la motivation : réussir à arrêter de fumer pendant 30 jours multiplie par 5 les chances d’abandonner définitivement le tabac.
Anne-Hélène Collin
Bibliographie :
- Pasquereau A, Andler R, Guignard R, Soullier N, Beck F, Nguyen-Thanh V. Prévalence du tabagisme et du vapotage en France métropolitaine en 2022 parmi les 18-75 ans. Bulletin épidémiologique hebdomadaire. 2023;(9-10):152-158. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/tabac/documents/article/prevalence-du-tabagisme-et-du-vapotage-en-france-metropolitaine-en-2022-parmi-les-18-75-ans#:~:text=En%202022%2C%207%2C3%25,19%20se%20poursuit%20en%202022
- Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Drogues et addictions – Chiffres clés. Tendances Hors-série. 2022. https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/DACC-2022.pdf
- Brissot A, Le Nézet O, Spilka S. Focus. L’usage de tabac chez les jeunes de 17 ans : résultats de l’enquête ESCAPAD. Bulletin épidémiologique hebdomadaire. 2023;(9-10):166-9. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2023/9-10/2023_9-10_3.html
- Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Les drogues à 17 ans – Analyse de l’enquête ESCAPAD 2022. Tendances n° 155. mars 2023. https://www.ofdt.fr/publications/collections/tendances/les-drogues-17-ans-analyse-de-lenquete-escapad-2022-tendances-155-mars-2022/
- Pasquereau A, Andler R, Guignard R, Gautier A, Soullier N, Richard J-B, Beck F, Nguyen-Thanh V. Bulletin épidémiologique hebdomadaire. 2022;(26):470-480. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2022/26/2022_26_1.html
- Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Les nouveaux produits du tabac ou à base de nicotine – Note n°41. Septembre 2023 [en ligne]. [Consulté le 05/10/2023]. Disponible à l’adresse : https://www.senat.fr/rap/r22-931/r22-9311.pdf
- Haute Autorité de santé (HAS). Arrêt de la consommation de tabac : du dépistage individuel au maintien de l’abstinence en premiers recours – Actualisation. Note de cadrage. Juillet 2023 [en ligne]. [Consulté le 19/09/2023]. Disponible à l’adresse : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3452901/fr/arret-de-la-consommation-de-tabac-du-depistage-individuel-au-maintien-de-l-abstinence-en-premiers-recours-actualisation-note-de-cadrage
- Organisation mondiale de la santé (OMS). Fiche d’information sur les produits de tabac chauffé. Mai 2018 [en ligne]. [Consulté le 19/09/2023]. Disponible à l’adresse : https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/272876/WHO-NMH-PND-17.6-fre.pdf
- Organisation mondiale de la santé (OMS). Bureau régional pour l’Europe. Produits du tabac chauffé : un résumé. 2020 [en ligne]. [Consulté le 15/09/2023]. Disponible à l’adresse : https://iris.who.int/handle/10665/350470
- Upadhyay S, Rahman M, Johanson G, Palmberg L, Ganguly K. Produits du tabac chauffé : aperçus de la composition et de la toxicité. Toxiques. 2023 ; 11(8):667. https://doi.org/10.3390/toxics11080667
- Comité national contre le tabagisme (CNCT). Tabac chauffé/grillé : quels risques ? [en ligne]. [Consulté le 15/09/2023]. Disponible à l’adresse : https://cnct.fr/topic/tabac-chauffe-grille-quels-risques/#_ftnref3
- Dusautoir R, Zarcone G, Verriele M, Garçon G, Fronval I, Beauval N, Allorge D, Riffault V, Locoge N, Lo-Guidice JM, Anthérieu S. Comparison of the chemical composition of aerosols from heated tobacco products, electronic cigarettes and tobacco cigarettes and their toxic impacts on the human bronchial epithelial BEAS-2B cells. J Hazard Mater. 2021 Jan 5;401:123417. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32763707/
- Andler R, Guignard R, Richard JB, Pasquereau A, Quatremère G, Nguyen Thanh V. Types de tabac fumés, évolutions et facteurs associés – Résultat des Baromètres de Santé publique France 2017 et 2018 [en ligne]. [Consulté le 15/09/2023]. Disponible à l’adresse : https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/tabac/documents/enquetes-etudes/types-de-tabac-fumes-evolutions-et-facteurs-associes.-resultats-des-barometres-de-sante-publique-france-2017-et-2018
- Institut national du cancer (INCa). La chicha et risques pour la santé – Fiche repères 2009 [en ligne]. [Consulté le 15/09/2023]. Disponible à l’adresse : https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/La-chicha-et-risques-pour-la-sante
- Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca). Le snus : c’est quoi ? [en ligne]. [Consulté le 15/09/2023]. Disponible à l’adresse : https://www.drogues.gouv.fr/le-snus-cest-quoi
- Comité national contre le tabagisme (CNCT). Snus ou sachet de nicotine ? Le CNCT fait le point. Janvier 2023 [en ligne]. [Consulté le 15/09/2023]. Disponible à l’adresse : https://cnct.fr/communiques/snus-ou-sachet-de-nicotine-le-cnct-fait-le-point/
- Tabac info service. Bienvenue dans une vie sans tabac, j’arrête de fumer, je me prépare. [en ligne]. [Consulté le 15/09/2023]. Disponible à l’adresse : https://www.tabac-info-service.fr/j-arrete-de-fumer/je-me-prepare
- Réseau de prévention des addictions (Respadd). Premiers gestes en tabacologie. Livret d’aide à la pratique pour les professionnels de santé. 4e édition. 2023. https://www.respadd.org/wp-content/uploads/2018/04/Premiers-gestes-tabac.pdf